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Exposition à la pollution atmosphérique en France : quelles inégalités ?

Lien court : https://bit.ly/3mk6s3c

Pascale Champalaune (Master APE)

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De récentes études dans le domaine de la santé publique ont montré que les quartiers défavorisés de Marseille et de Strasbourg étaient davantage sujets à la pollution atmosphérique, alors qu’à Paris, ce sont les quartiers plus aisés qui tendent à l’être. Il ressort également que les quartiers lyonnais dits de “classe moyenne” sont les plus pollués de la ville (1). Néanmoins, les questions des inégalités d’exposition à la pollution atmosphérique au niveau national et des effets des actions publiques sur ces inégalités n’ont pas fait l’objet de la même attention de la part de la littérature économique. Les inégalités d’exposition aux particules fines (de 2.5 micromètres, d’où l’abréviation « PM2.5 ») est une problématique qui revêt un grand intérêt pour deux raisons. Tout d’abord, ce polluant est omniprésent, du fait de la multiplicité de ses sources. En effet, en 2017 les émissions provenaient, entres autres des secteurs tertiaire et résidentiels (50% des émissions), du secteur industriel (23%) et du trafic routier (17%) (2). Deuxièmement, on estime qu’en France 48 000 décès sont imputables aux particules fines chaque année (3). Au vu de cette nocivité, l’Union Européenne et l’Organisation Mondiale de la Santé ont établi des seuils recommandés de concentration annuelle de 25 et 10 μg/m3, respectivement.

Dans ce travail de Master, Pascale Champalaune associe des données de revenus et autres caractéristiques des quartiers à des données par satellite de la pollution atmosphérique, dans le but d’élaborer la première étude nationale des inégalités d’exposition aux particules fines en France. Les faits montrent qu’au niveau national, la relation entre l’exposition et le revenu suit une courbe en cloche inversée. Cela mène à penser que les plus pauvres et les plus riches sont plus exposés que la classe moyenne (inférieure et supérieure comprises), du fait de la concentration souvent plus importante de ces premiers dans les centres urbains. Cependant, au sein des villes, il ressort de l’analyse que les zones défavorisées sont également les plus polluées. Dans un deuxième temps, Pascale Champalaune s’appuie sur la variation annuelle des niveaux de pollution et du revenu médian sur la période 2006-2016 pour étudier plus en profondeur la dynamique qui lie ces deux éléments. Elle montre que lorsqu’un quartier à un revenu médian plus élevé, ceci s’accompagne d’une exposition plus faible aux particules fines. De plus, à niveau de revenu constant, les quartiers qui accueillent une plus grande proportion d’immigrés sont plus pollués. Deux explications peuvent ainsi être avancées. Cela concorde tout d’abord avec un phénomène d’auto-sélection, par lequel les ménages les moins aisés et les immigrés s’installent dans les quartiers aux prix de l’immobilier plus faibles, mais plus pollués. On peut aussi l’expliquer par une implantation disproportionnée des activités économiques les plus polluantes dans les zones plus pauvres.

L’auteure montre également que l’exposition moyenne aux particules fines a chuté de 30% entre 2010 (14 μg/m3) et 2016 (9.5 μg/m3) et que les quartiers qui étaient initialement relativement moins exposés à la pollution ont connu une amélioration plus marquée de qualité de l’air. Force est de constater que si la baisse de l’exposition aux PM2.5 a été générale, la distribution de l’exposition se fait de plus en plus inégale. L’auteure se penche également sur l’effet des réglementations sur cette évolution. En effet, entre 2012 et 2015, 20 grandes agglomérations françaises ont modifié leurs Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), y introduisant des mesures visant à réduire les taux de concentration en PM2.5. L’auteure s’appuie sur le fait que les nouveaux plans ont été adoptés de manière échelonnée pour en tirer une estimation de l’impact de ce changement de politique publique sur les inégalités d’exposition aux PM2.5. L’auteure estime qu’en moyenne, les modifications de PPA sont à l’origine d’un cinquième de la diminution de 30% de l’exposition, et que les quartiers dont les revenus étaient supérieurs à la médiane ont bénéficié dans une plus large mesure de l’amélioration de la qualité de l’air. De plus, celle-ci a été plus nette dans les zones les moins polluées, tandis que les effets semblent très hétérogènes dans les zones plus polluées. Cela semble indiquer que le changement de politique publique a entraîné des effets régressifs du point de vue de l’exposition initiale et du revenu. Ce constat laisse entendre que pour enrayer cette tendance, les politiques d’amélioration de la qualité de l’air doivent être adossées à un meilleur ciblage territorial.

(1) Padilla, C. M., W. Kihal-Talantikite, V. M. Vieira, P. Rossello, G. Le Nir, D. Zmirou-Navier, and S. Deguen (2014). « Air quality and social deprivation in four French metropolitan areas - A localized spatio-temporal environmental inequality analysis. » Environmental Research, 134, pp. 315-324.
(2) Citepa (2019). Gaz à effet de serre et polluants atmosphériques : Bilan des émissions en France de 1990 à 2017. 450 p.
(3) Pascal, M., P. de Crouy Chanel, M. Corso, S. Medina, V. Wagner, S. Goria et al., (2016). Impacts de l’exposition chronique aux particules fines sur la mortalité en France continentale et analyse des gains en santé de plusieurs scénarios de réduction de la pollution atmosphérique. Santé publique France. 158 p.

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Références

Titre du mémoire de master : Inequality in Exposure to Air Pollution in France : Measurement and Impact of a City-Level Public Policy

Sous la direction de : Lucas Chancel (PSE, WIL) & Thomas Piketty (PSE, EHESS, WIL)

Disponible sur : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/MEM-PSE/dumas-03045169

Contact : pascale.champalaune chez psemail.eu - Profil Linkedin

Crédits : Sander van der Werf - shutterstock