La science économique au service de la société

Comprendre les effets de la diversité des origines sur les conditions de logement via les relations sociales entre voisins : le cas des quartiers HLM en France

Lien court vers cet article : http://bit.ly/1QgboTp

Yann Algan, Camille Hémet et David Laitin

« L’un des défis les plus importants auquel font face les sociétés modernes, et en même temps une de nos plus belles opportunités, est l’augmentation de la diversité ethnique et sociale dans la plupart des pays développés. » Robert Putnam (2007)

JPEG - 111.6 ko

La notion de diversité illustre le fait que les membres d’une communauté diffèrent selon certaines caractéristiques, liées à l’origine ethnique, au statut socio-économique ou à la culture. Avec l’essor du commerce, de l’intégration économique et des flux migratoires, les sociétés modernes connaissent des niveaux de diversité ethnique de plus en plus élevés. Comprendre l’impact de cette diversité sur l’économie au sens large, mais aussi sur les relations sociales et les conditions de vie, devient une priorité. De nombreux travaux universitaires ont mis en évidence une relation tantôt négative entre la diversité ethno-linguistique et la croissance, la qualité des biens publics, ou encore la confiance, tantôt positive entre la diversité par pays de naissance et la richesse ou la productivité. Ces études étant menées à des niveaux géographiques relativement agrégés, elles ne permettent cependant pas de saisir précisément les mécanismes en jeu.

Dans cet article, Yann Algan, Camille Hémet et David Laitin étudient l’effet de la diversité sur le bien-être et la satisfaction des individus vis-à-vis de leurs conditions de logement. Ils adoptent une approche à un niveau géographique très fin - soit un ilôt qui correspond à un « pâté de maisons », ce qui leur permet d’appréhender leurs résultats à la lumière des relations sociales entre voisins. Dans le système français, les logements sociaux sont attribués aux ménages sans prendre en compte leurs origines ou leurs préférences pour la diversité. Les auteurs s’appuient sur cette caractéristique qui, d’un point de vue méthodologique, les place dans le cadre d’une « expérience naturelle » et leur permet de considérer le niveau de diversité d’un quartier HLM donné comme exogène. En d’autres termes, cet article propose une analyse causale entre la baisse ou l’augmentation du niveau de diversité et différents indicateurs sociétaux. Les résultats indiquent qu’une augmentation de la diversité d’un îlot implique davantage de dégradations volontaires et d’actes de vandalisme dans les parties communes des immeubles (par exemple boîtes aux lettres cassées ou graffitis sur les murs). Le manque de crédibilité des sanctions sociales dans les communautés hétérogènes ne leur permet en effet pas d’empêcher les comportements déviants. Les auteurs observent d’autre part que plus de diversité implique une moindre qualité des installations et des équipements de base dont les propriétaires ou les gestionnaires de l’immeuble sont responsables (par exemple le chauffage ou les ascenseurs). Cela peut s’expliquer par une gestion inefficace des immeubles d’habitation, notamment du fait de l’échec de l’action collective dans les quartiers les plus diversifiés. En revanche, ils ne trouvent pas d’impact significatif de la diversité sur les agressions, les cambriolages ou les vols dans le quartier, traduisant de l’indifférence plus que de l’inimitié entre voisins.


......................
Titre original de l’article académique : “The Social Effects of Ethnic Diversity at the Local Level : a Natural Experiment with Exogenous Residential Allocation”
Publié dans : Journal of Political Economy, forthcoming juin 2016
Téléchargement : https://www.dropbox.com/s/1qiptcp18wzufd8/AHL_JPE_FINAL_feb2015.pdf?dl=0

......................
© denis_pc - Fotolia.com