La science économique au service de la société

Les effets de l’attentat du Marathon de Boston sur le « bien-être »

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Andrew Clark et Elena Stancanelli

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Peu d’études ont tenté de quantifier les coûts socio-économiques du terrorisme pour des pays et régions qui ont été longuement exposés à des attaques terroristes, comme Israël, l’Irlande ou le pays Basque (1). Certaines ont mis en lumière des conséquences négatives importantes sur l’activité économique locale - PIB, entreprenariat… (2) ; d’autres se sont intéressés aux différences de poids des bébés à la naissance entre zones touchées et non touchées (3) ; d’autres enfin ont souligné l’impact sur la consommation de biens et de services (en baisse chez les « utilisateurs occasionnels » - restaurants, bus…) (4).

Dans cet article, Andrew Clark et Elena Stancanelli étudient les effets de l’attentat meurtrier du marathon de Boston 2013. Plus spécifiquement, ils s’intéressent au bien-être (notamment aux émotions) mais aussi à l’emploi du temps des Américains avant/après ce triste événement. Ils exploitent les données de l’Enquête sur l’utilisation du temps et le bien-être collecté par le Bureau de Statistique Américain (Bureau of Labor Statistics). Les auteurs soulignent que l’attentat a conduit à une baisse significative de 1,5 points du bien-être individuel (sur une échelle de un à six) pour les résidents des États près de Boston. Cette baisse est conséquente, bien plus appuyée par exemple que celle liée au recul d’un point de pourcentage du PIB ou d’une hausse d’un point du chômage. Dans le détail cependant, une différence existe entre les sexes : le bonheur déclaratif des femmes américaines a diminué de manière significative, de près d’un point, alors que celui des hommes est stable. Ceci peut s’expliquer par une aversion au risque plus forte chez les femmes que chez les hommes (5). Selon les estimations d’A. Clark et E. Stancanelli, le sentiment de stress a également augmenté de manière significative après l’attentat, tandis que le nombre d’heures consacré aux loisirs a diminué ; l’offre de travail (i.e le temps passé au travail) n’a pas été modifiée. En revanche, les auteurs ne mesurent pas d’effets sur le bien-être individuel des tirs mortels à l’école de Sandy Hook quelques mois auparavant. A partir de ces différents éléments, ils concluent que le terrorisme - dans les pays confrontés à ces événements de façon ponctuelle - aurait un impact plus fort sur le bien-être individuel que d’autres morts violentes. Mais à long terme, les effets des attentats semblent disparaître.

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(1) Alberto Abadie et Xavier Gardeazabal, “Terrorism and the world economy” (2008). Bruno Frey, Simon Luechinger et Alois Stutzer, “Calculating Tragedy : Assessing the Costs Of Terrorism” (2007). Eli Berman et David Laitin, “Religion , terrorism and public goods : testing the club model” (2008)
(2) Alberto Abadie et Xavier Gardeazabal, “The Economic Costs of Conflict : A Case Study of the Basque Country” (2003)
(3) Adriana Camacho, “Stress and Birth Weight : Evidence from Terrorist Attacks” (2008)
(4) Gary S Becker et Yona Rubinstein, “Fear and the Response to Terrorism : an Economic Analysis” (2011)
(5) Voir par exemple Rachel Croson Rachel et Uri Gneezy “Gender differences in preferences”(2009)


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Titre original de l’article académique : “Individual Well-Being and the Allocation of Time Before and After the Boston Marathon Terrorist Bombing”
Publié dans : Working paper PSE n°2016-07
Téléchargement : https://hal-pjse.archives-ouvertes.fr/hal-01302843v1

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