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La réponse des exportateurs aux obstacles techniques au commerce

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Lionel Fontagné et Gianluca Orefice

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Le commerce international des biens est soumis à un ensemble de réglementations techniques fixant les caractéristiques des produits ou méthodes de production, à des normes techniques et à des procédures vérifiant la conformité à ces règlements et normes. Les caractéristiques des peintures utilisées pour la décoration des jouets d’enfants ou l’obligation de décrire la composition du produit sur les emballages de cosmétiques en sont des exemples. Ces réglementations techniques visant à protéger la santé ou la sécurité des personnes, à standardiser les produits, à assurer un niveau de qualité minimal peuvent différer d’un pays à l’autre, deviennent alors une source de coûts supplémentaires pour les exportateurs. Il faut adapter les produits ou les emballages, améliorer la qualité, ou produire des biens ayant des spécifications différentes ce qui tend à ralentir la chaîne de production. Les réglementations techniques rigoureuses, ou très spécifiques à un pays, constituent de facto un obstacle au commerce international. C’est pourquoi les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) encadrent ces pratiques, à travers l’Accord sur les Obstacles Techniques au Commerce (OTC – ou TBT en anglais). Le droit des Etats à réglementer pour des motifs légitimes est reconnu, dès lors qu’ils le font de façon transparente et non discriminatoire, et si possible en adoptant les standards internationaux. Depuis 1995, plus de 15 000 mesures de ce type ont été notifiées à l’OMC par les pays membres. Evaluer l’impact sur les exportations des mesures restrictives et comprendre comment les exportateurs s’y adaptent n’est pas aisé : toutes les mesures ne sont pas des obstacles.

Dans cet article, Lionel Fontagné et Gianluca Orefice utilisent une stratégie inédite pour aborder ce problème. Ils s’appuient sur les préoccupations soulevées par les pays membres de l’OMC au sein du Comité sur les Obstacles Techniques au Commerce : les mesures spécifiques (règlements techniques, normes ou procédures d’évaluation de la conformité) visées par ces requêtes, et donnant lieu à consultation, sont celles perçues comme les plus restrictives. Les auteurs s’intéressent à la réponse des exportateurs français à la présence des obstacles ainsi révélés. Combinant l’information exhaustive sur les produits et marchés concernés, sur le calendrier et sur le résultat de ces discussions, avec les données individuelles d’exportation, ils montrent que de tels OTC poussent en moyenne les exportateurs à abandonner le marché concerné. Mais à taille et productivité des exportateurs données, cet effet est plus marqué pour les entreprises ayant un large portefeuille de marchés comprenant des destinations exemptes d’OTC pour le produit considéré et pouvant réorienter leurs exportations sans à nouveau payer les coûts d’entrée. Enfin, la présence d’un tel OTC dans une destination donnée les incite également à détourner leurs ventes vers de nouveaux marchés : le coût d’entrée sur un nouveau marché s’avère alors moins élevé que le coût d’ajustement du produit à l’OTC. Nonobstant cet effet de réorientation, et à l’instar de la prédiction théorique, la réponse des exportations agrégées à la présence d’un OTC à destination dépend de la distribution de la taille des exportateurs au sein de chaque secteur, les secteurs composés de nombreux petits exportateurs étant plus affectés.

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Titre original de l’article académique : Let’s try next door : Technical Barriers to Trade and multi-destination firms

Publié dans : European Economic Review, Volume 101, January 2018, Pages 643-663

Téléchargement : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0014292117302131

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