La science économique au service de la société

Les programmes préscolaires ont-ils toujours les effets escomptés ?

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Adrien Bouguen, Deon Filmer, Karen Macours et Sophie Naudeau

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Des études réalisées dans des pays à faible, moyen et haut revenus montrent que les enfants élevés dans un environnement privilégié sont en meilleure santé, sont plus grands, ont des capacités cognitives supérieures, atteignent un niveau d’éducation plus élevé et gagnent des salaires nettement meilleurs que les autres enfants. Ainsi, les programmes préscolaires (équivalents de l’école maternelle en France) sont souvent considérés comme prometteurs dans l’amélioration de la préparation à l’école tout en réduisant les écarts socio-économiques dans le développement du capital humain. Pourtant, il n’existe pas beaucoup de preuves solides d’une relation causale dans les pays en développement entre la participation à ces programmes préscolaires et les performances scolaires ; par ailleurs, la réaction des parents à l’instauration de nouveaux programmes dès la petite enfance est peu étudiée. Les parents peuvent être réticents ou incapables de laisser l’enfant à l’école maternelle croyant, à juste titre ou non, que le développement socio-émotionnel est mieux effectué à la maison. Si les parents moins éduqués sont plus susceptibles de garder leurs enfants hors de la maternelle, les enfants qui possiblement ont le plus besoin d’une éducation préscolaire ne sont pas forcément ceux qui en bénéficient.

Dans cet article, Adrien Bouguen, Deon Filmer, Karen Macours et Sophie Naudeau étudient la réaction des parents vis à vis d’un programme préscolaire au Cambodge, et en analysent les impacts sur le développement des enfants. Ils s’appuient sur un modèle expérimental dans lequel les villages bénéficiant d’un programme préscolaire (le groupe dit de « traitement ») sont comparés à ceux n’en bénéficiant pas (groupe de « contrôle »). Il est important de souligner que le groupe de contrôle dans l’étude a non seulement bénéficié des soins parentaux, mais aussi de l’inscription des très jeunes enfants à l’école primaire. L’étude estime donc l’effet d’un programme préscolaire dans un contexte où l’intervention pourrait déclencher une réallocation entre la prise en charge à la maternelle, en primaire ou par les parents à domicile. Les résultats montrent un impact global plutôt limité sur le développement de l’enfant et des impacts négatifs sur le groupe d’enfants ayant bénéficié le plus fortement du programme. Pour les auteurs, le programme a souffert d’une mise en œuvre fragile qui a limité le temps d’exposition et réduit la qualité du service. Une raison supplémentaire des résultats décevants vient de la réponse des parents à la construction préscolaire. Les parents ayant un niveau de scolarité élevé ont remplacé les inscriptions dans les écoles primaires par des inscriptions préscolaires tandis que les parents moins éduqués ont retiré leurs enfants du système éducatif classique. Ces résultats - mise en œuvre fragile, réponse parentale controversée et effets décevants - entrent en résonnance avec plusieurs autres articles publiés sur les pays développés. Dans l’ensemble, ils suggèrent que la conception des interventions préscolaires devrait commencer par une meilleure compréhension de la façon dont les parents prennent la décision ou non d’y inscrire leurs enfants, et par la disponibilité de substituts préscolaires proches.

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Titre original de l’article académique : Preschool and Parental Response in a Second Best World : Evidence from a School Construction Experiment

Publié dans : Published online before print February 17, 2017, doi:10.3368/jhr.53.2.1215-7581R1 - J. Human Resources

Téléchargement : http://jhr.uwpress.org/content/early/2017/02/13/jhr.53.2.1215-7581R1.abstract

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