La science économique au service de la société

Le capital social est-il bon pour la santé ?

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Jean Guo, Setti Raïs Ali et Lise Rochaix

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Le capital social est un concept issu de la sociologie, par la suite repris par différentes disciplines (sciences politiques, épidémiologie, économie…) et dont la définition fait, encore aujourd’hui, l’objet de nombreuses discussions. Dans cet article, les auteurs se réfèrent à la définition du capital social de Putnam (1), qui le décrit comme les « caractéristiques de l’organisation sociale telles que la confiance, les normes et les réseaux, qui peuvent améliorer l’efficience de la société en facilitant des actions coordonnées ». En d’autres termes, le capital social, comme d’autres formes de capital, est productif : il permet d’atteindre des objectifs qui auraient été irréalisables en son absence, en s’appuyant sur des valeurs interpersonnelles telles que la confiance, la réciprocité et les normes. Une littérature abondante en économie de la santé a documenté le lien existant entre le niveau de santé perçu et le capital social, en mesurant notamment ce dernier par la participation aux activités collectives (partis politiques, loisirs…), ou encore par la capacité de l’individu à solliciter son entourage en cas de nécessité. Ces travaux permettent de démontrer de manière concluante que le capital social serait bon pour la santé, et cela même en prenant en compte la possibilité d’une causalité inverse, à savoir que les individus en meilleure santé pourraient aussi avoir un niveau de capital social supérieur.

Du point de vue des décideurs publics, les perspectives d’application de ces travaux sont riches, dès lors que l’on a pu démontrer que les interventions induisant une augmentation du capital social ont effectivement un effet bénéfique sur l’état de santé des individus. Pour documenter cet aspect, Jean Guo, Setti Raïs Ali, et Lise Rochaix ont entrepris un travail de revue de la littérature narrative en économie de la santé, en sélectionnant des articles portant sur des interventions de santé telles que définies par l’Organisation Mondiale de la Santé, c’est-à-dire des : « activités destinées à modifier un processus, une ligne de conduite ou une séquence d’événements dans le but de changer une ou plusieurs de leurs caractéristiques telles que leur performance pour améliorer un indicateur de santé ou pour atteindre des objectifs de promotion de la santé ». En particulier, ils s’intéressent aux interventions de santé induisant un changement du niveau de capital social. A l’issue de la collecte des articles d’intérêt, les auteurs présentent une sélection des interventions visant un bénéfice de santé par une amélioration du capital social, illustrative de leur diversité et choisies pour leur degré d’innovation. Ils effectuent une typologie de ces interventions de santé en cinq parties. Premièrement, ils présentent les interventions visant à accroitre le niveau d’interaction des individus au niveau communautaire en modifiant leur environnement. Cela comprend notamment des éléments de preuve sur l’effet, sur la santé perçue, de la réduction de l’insécurité ou encore de la création de jardins partagés. Dans les deuxième et troisième parties, sont discutées les interventions induisant une modification du comportement bénéfique à la santé, en particulier dans des populations de patients spécifiques. Les effets de réseau et l’influence des pairs sur les comportements de santé d’un individu y sont mis en évidence au travers d’interventions visant à améliorer l’observance des patients atteints de HIV ou encore à promouvoir la participation au dépistage du cancer du sein pour les patientes des catégories les plus défavorisées et isolées. Enfin, les deux dernières parties traitent plus spécifiquement de la santé mentale en offrant un panorama d’interventions pouvant améliorer le management d’une pathologie et réduire l’anxiété liée à la maladie, telles que la création d’espace de discussion où se déroulent des activités de groupe ou encore la mise en place d’une ligne d’écoute. Non exclusivement dédiée à la prise en charge de la détresse psychologique du seul patient, la dernière partie aborde les enjeux de prise en charge des professionnels de santé et des aidants, pour lesquels les interventions agissant sur le niveau de capital social offrent des résultats prometteurs sur le niveau de stress reporté, réduisant ainsi les risques de burn-out. Le capital social semble ainsi être un levier multidimensionnel de promotion de la santé, applicable à une grande variété de contextes et de défis en santé publique.

(1) Putnam, R. D. (1993). The prosperous community. The american prospect, 4(13), 35-42.

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Titre original de l’article académique : “Social capital and health interventions : enhancing social capital to improve health”

Publié dans : Elgar Companion to Social Capital and Health. Edward Elgar Publishing

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