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Cours boursiers en dents de scie : chaos ou stratégie ?

Lien court vers cet article : http://bit.ly/1LRG6jE

Gaëtan Fournier et Bernard De Meyer

Les asymétries d’information sont omniprésentes sur les marchés financiers : typiquement, les investisseurs institutionnels ont plus de moyens que les investisseurs privés pour traiter le flot d’informations et ont donc de facto un avantage informationnel sur les autres. Dans cette situation, les acteurs informés sont connus de tous et leurs actes sont analysés par les autres agents pour tenter d’en déduire le contenu informationnel. Dès lors, l’usage stratégique de l’information par les acteurs informés a un impact important sur les dynamiques de prix observées. Bernard De Meyer s’était déjà intéressé au cas d’un marché indifférent au risque, où les agents cherchent à maximiser la valeur finale espérée de leur portefeuille. Dans ce modèle, les cours boursiers ont des évolutions aléatoires, en « dents de scie ». L’apparition de telles dynamiques en finance est généralement justifiée par l’aspect imprévisible des marchés, résultant donc d’un aléa exogène (1). Selon Bernard De Meyer, l’apparition de ce type de dynamique a au contraire une explication endogène : l’aléa est partiellement introduit par les agents informés qui utilisent des stratégies mixtes dans le but de ne pas révéler trop vite l’information qu’ils détiennent et d’en tirer un bénéfice maximal. Il apparaît également que, dans ce cadre risque-neutre, la dynamique des prix à l’équilibre de Nash (2) est un processus aléatoire d’un type bien particulier, appelé Martingale Continue à Variation Maximale (MCVM). Les martingales sont des processus dont la valeur actuelle est égale à leur valeur moyenne attendue pour demain sachant toute l’information dont on dispose aujourd’hui. En particulier, la classe des MCVM est celle qui maximise les variations pendant toute la durée du jeu tout en conservant une distribution finale fixée. Cette classe de dynamiques semble très robuste car elle apparait quelle que soit la manière dont les échanges ont été effectués entre les acteurs financiers.

Dans cet article, Gaëtan Fournier et Bernard De Meyer introduisent l’effet de l’aversion au risque dans les modèles exposés ci-dessus. Alors que l’indifférence au risque permettait un jeu d’échange à somme nulle, il est désormais question d’un jeu à somme non-nulle, plus complexe à analyser. Les prix à l’équilibre de Nash ne forment plus une martingale. Les auteurs montrent cependant qu’il existe une mesure de probabilité équivalente unique (3) sous laquelle les prix sont des martingales. Sous cette probabilité, lorsque les joueurs jouent de plus en plus fréquemment, le processus des prix est une MCVM. Cette conclusion ouvre la voie à l’élaboration de nouvelles formules d’évaluation pour les actifs financiers et donne lieu à de nouvelles stratégies de couverture.

(1) Un aléa exogène aurait pour origine des facteurs extérieurs aux marchés.
(2) L’équilibre de Nash représente la situation dans laquelle les choix des joueurs sont stables : aucun joueur ne peut modifier unilatéralement sa stratégie sans affaiblir sa position personnelle.
(3) Deux probabilités sont dites équivalentes si un événement possible pour l’une est aussi possible pour l’autre.

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Titre original de l’article académique : “Price dynamics on a risk averse market with asymmetric information”
Publié dans : Working Paper CES n°2015.54
Téléchargement : https://hal-paris1.archives-ouvertes.fr/halshs-01169563v1

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