La science économique au service de la société

La mondialisation influence-t-elle les comportements alimentaires et la santé ?

Lien court vers ce résumé : http://bit.ly/2zRxqr3

Anne-Célia Disdier, Fabrice Etilé et Lisa Oberlander

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La proportion d’adultes en surpoids ou obèses ne cessent d’augmenter au niveau mondial. D’après une étude menée dans différents pays et publiée en 2014 dans The Lancet (1), cette proportion est passée de 29% en 1980 à 37% en 2013. Selon l’OMS, cette augmentation est principalement due à de mauvaises habitudes alimentaires et à une faible activité physique. Les régimes riches en sucres, en produits d’origine animale et en graisses constituent des facteurs de risque importants pour les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers. En 2012, les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité dans le monde, ont fait 17,5 millions de victimes. Plus des trois quarts de ces décès ont été signalés dans les pays dont le revenu par habitant est faible ou moyen, ce qui pèse considérablement sur l’économie et le système de santé publique de ces États. L’OMS considère que les maladies chroniques liées à l’alimentation représentent un danger croissant pour l’humanité, au même titre que d’autres problèmes de santé publique plus anciens, comme la malnutrition et les maladies contagieuses. L’augmentation du nombre de personnes en surpoids et les changements alimentaires coïncident avec le processus de mondialisation. Pour autant, la mondialisation est-elle responsable des transitions nutritionnelles observées dans plusieurs pays ?

Dans cet article, Anne-Célia Disdier, Fabrice Etilé et Lisa Oberlander étudient l’impact de la mondialisation sur l’évolution des habitudes alimentaires et la prépondérance des personnes en surpoids, à partir de données couvrant 70 pays développés ou émergents entre 1970 et 2011. A la différence des analyses précédemment menées, les auteurs distinguent les dimensions sociales et économiques de l’ouverture des pays. Les résultats obtenus suggèrent que la mondialisation s’est accompagnée d’une hausse de la consommation de viande et de sucre dans plusieurs pays, et que celle-ci est avant tout liée aux dimensions sociales de l’ouverture (échange d’idées, d’information, d’images et de rencontres), plutôt qu’aux échanges commerciaux ou à d’autres aspects économiques. En d’autres termes, depuis les années 70 et sous l’effet d’une accélération de la mondialisation, les influences culturelle et comportementale réciproques des pratiques alimentaires sont clés pour comprendre les modifications à une échelle locale.
En outre, les auteurs analysent l’effet d’une variation du degré de mondialisation (entre un instant « t » et un instant « t+1 ») sur la variation de l’offre nutritionnelle ou de l’obésité (entre ces dates). Ils mettent en évidence une relation entre mondialisation accrue et la prise de poids des populations, relation qui s’avère néanmoins peu significative. Ceci peut être dû au fait que les auteurs ont retenu une vue d’ensemble, sans tenir compte des spécificités de chaque pays. La mondialisation ne semble donc pas expliquer à elle seule l’épidémie d’obésité observée à travers le monde, même si elle joue peut-être un rôle dans certains pays.

(1) Voir étude de 2014 « Global, regional, and national prevalence of overweight and obesity in children and adults during 1980-2013 : a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013 », https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24880830
(2) Voir « Obesity : preventing and managing the global epidemic », WHO Report (2000) http://www.who.int/nutrition/publications/obesity/WHO_TRS_894/en/


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Titre original de l’article académique : Globalisation and national trends in nutrition and health : A grouped fixed-effects approach to intercountry heterogeneity
Publié dans : Health Economics, 26(9), pp. 1146-1161 (2017)
Téléchargement : https://halshs.archives-ouvertes.fr/EHESS/hal-01591335v1
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