La science économique au service de la société

Notre monde (représenté) – un objet quantique ?

Lien court vers cet article : http://bit.ly/1W2CZse

François Dubois et Ariane Lambert-Mogiliansky

Nous prenons nos décisions sur la base de nos préférences et de notre vision du monde. La doctrine classique veut que cette vision du monde reflète notre information. Or il est reconnu que l’être humain est caractérisé par des limites cognitives dans le traitement de l’information. En particulier, nous avons parfois du mal à générer une vision synthétique des informations que nous recevons : nous considérons une perspective, puis une autre, sans toutefois parvenir à les combiner. Certaines perspectives liées à différents aspects de la réalité semblent révéler des situations d’incompatibilité dans l’esprit. Une illustration suggestive de ce phénomène serait les images ambigües. On voit une image puis une autre mais très difficilement les deux à la fois. L’incompatibilité de données pourtant complémentaires est une caractéristique centrale dans le monde quantique, où elle est appelée « complémentarité de Bohr » d’après Niels Bohr, père fondateur de la mécanique quantique. Ce même N. Bohr a eu très tôt l’intuition que cette propriété était pertinente pour les sciences cognitives. Depuis une vingtaine d’années, ses intuitions ont été reprises, développées et confirmées au travers de nombreux travaux expérimentaux et théoriques (1) ; la cognition quantique est également portée progressivement à la connaissance du grand public (2).

Dans cet article, François Dubois et Ariane Lambert-Mogiliansky en explorent les implications pour l’apprentissage, c’est-à-dire pour la construction de l’image mentale du monde. Le processus d’apprentissage est modélisé par deux opérations sur l’état cognitif, lesquelles sont définies dans le formalisme mathématique de la mécanique quantique. La première opération (préparation de l’état) correspond à l’acquisition de nouvelles informations et la deuxième (mesure de la valeur) à leur traitement. L’analyse des auteurs invite à repenser l’apprentissage non plus exclusivement en termes d’actualisation Bayesienne (3), mais en termes de choix. En effet, un esprit « quantoide » ne converge jamais vers une représentation unique du monde. Il n’existe pas un seul « monde vrai » mais plusieurs laissant toujours place à une incertitude. Cela signifie aussi que nous sommes créateurs de notre monde (représenté) c’est-à-dire que nous faisons des choix : quelles informations acquérir (ou négliger), dans quel ordre ? Choix dont les conséquences vont bien au-delà du degré de précision de notre représentation. Ainsi les auteurs montrent que la cognition quantique ouvre de nouvelles perspectives à l’étude du choix dans l’incertain.

(1) Voir Quantum Cognition : a New Theoretical Approach in Psychology » in Trends in Cognitives Sciences July 2015, 19/7 383-393
(2) Voir le dossier spécial que Sciences et Vie consacre à la cognition quantique dans son édition de septembre 2015
(3) C’est-à-dire la révision des croyances au vue de nouveaux éléments d’information
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Titre original de l’article académique : « Our (represented) World : A Quantum-Like Object »
Article à paraitre dans : Contextuality from Quantum Physics to Psychology, ed. E. Dzhafaroc, S. Jordan et al., Advanced Series on Mathematical Psychology vol.6.- World Scientific Review
Téléchargement du document de travail (WP-PSE n°2015-13) :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/PSE-UMR8545/halshs-01152332v1
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