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Pourquoi les exportateurs ne vendent pas le même ensemble de produits sur tous leurs marchés

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Lionel Fontagné, Angelo Secchi et Chiara Tomasi

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Une très large part du commerce international est réalisée par un groupe relativement restreint de grandes entreprises, qui exportent une variété de produits vers différents pays. En Italie et en France, par exemple, les exportateurs multi-produits (1) pèsent respectivement 96% et 95% du total des exportations. L’omniprésence de ces acteurs dans le commerce international a généré une nouvelle vague de modèles d’analyse économique, qui ont en commun une vision d’entreprises qui exportent en premier, vers de nouveaux marchés, leur produit le plus rentable, pour ensuite étendre leur offre (en cercle concentrique, à partir des produits les plus rentables). Ainsi, la liste des produits qui réussissent le mieux devrait être similaire sur les différents marchés, avec une même hiérarchie dans chacun des pays. Pourtant, une étude rapide de ces potentielles corrélations montre des écarts par rapport à cette règle simple : si elles ne sont pas non plus spécifiques à chaque pays, les listes de produits exportés par une entreprise ne sont pas entièrement similaires.

Dans cet article, Lionel Fontagné, Angelo Secchi et Chiara Tomasi analysent les exportateurs industriels italiens et français, et adoptent une approche dite de « vecteurs de produits » (plutôt qu’une approche se focalisant sur un seul produit). Ils aboutissent à plusieurs conclusions, en ligne avec l’idée que les entreprises n’ont pas, dans tous les pays, une hiérarchie similaire de leurs produits exportés - elles adaptent leur offre aux caractéristiques nationales. Les auteurs utilisent pour cela des séquences de produits et leurs valeurs associées, ce qui leur permet d’affiner quantitativement et qualitativement leur compréhension de ces stratégies d’adaptation. En premier lieu, ils soulignent un degré substantiel de dissemblance entre les « vecteurs de produits » exportés vers les différents marchés, et ceux identifiés au niveau global. Puis, L. Fontagné, A. Secchi et C. Tomasi évoquent plusieurs explications potentielles de cette diversité : l’hétérogénéité de la demande au sein de chaque marché, les différences de préférences, ou encore la l’intensité de la concurrence ou le positionnement de marché, facteurs qui semblent ici particulièrement significatifs. Enfin, ils mettent en lumière l’existence d’un mix produits stable, ou dit autrement d’un « noyau dur de produits », exporté vers différents marchés mais qui inclut, contrairement à ce que supposaient certaines recherches antérieures, des produits dont la part dans les exportations est relativement marginale. Les produits de ce noyau dur ne se caractérisent pas forcément par des ventes élevées, en raison de la complémentarité entre exportations ou des différences technologiques.
Au final, à partir d’un travail empirique, les auteurs dressent un portrait complexe des stratégies des entreprises multi-produits sur les marchés étrangers. Etant donné leur poids dans le commerce mondial, il semble fondamental de cerner au mieux leurs comportements et leur conséquences en termes de création et de distribution des richesses.

(1) Plus de 5 références - soit HS6 dans les nomenclatures

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Titre original de l’article académique : “The Fickle Fringe and the Stable Core : Exporters’ Product Mix Across Markets”
Publié dans : CESifo Working Paper Series 5889, 2016
Téléchargement : https://hal-paris1.archives-ouvertes.fr/hal-01315601v1

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